01 mars 2006

Les coins-repas

Les coins-repas sont à la mode dans les cuisines, mais j’en suis très critique. Dans bien des cas, la table est à deux pas seulement, donc le coin-repas constitue une inutile duplication de fonction. Parfois ils sont vraiment pratiques, comme dans la cuisine de la maison où j’ai grandi: la cuisine était séparée de la salle à manger par un long corridor (une salle d’eau/salle de lavage et un vestibule se trouvaient entre les deux!). Nous avions donc aménagé un coin-repas pour deux personnes, parfait pour déjeuner ou pour un repas en solo. Ce coin-repas était à la hauteur du comptoir, donc il était pratique aussi pour cuisiner, puisqu’on pouvait y travailler debout autant que s’y asseoir (sur des tabourets) pour manger.

Par contre, souvent je ne comprends pas l’utilité des coins-repas ronds à hauteur de table. Pourquoi ne pas laisser cet espace libre de mobilier fixe et y placer, au besoin, une vraie table, plutôt que de manger sur de la mélamine? Plusieurs coins-repas que j’ai vus datent des années 1980-1990 et la mélamine y est reine. C’est aussi le cas de mon comptoir actuel (qui n’a pas de coin-repas!!!). Le condo date de 1986 et nous avons la cuisine d’origine, avec armoires ET comptoir en mélamine BLANCHE UNIE. Qui est l’idiot qui a décidé de faire un comptoir de cuisine en mélamine pâle unie? Dans une salle de bain peut-être, mais dans une cuisine? Une surface si facilement tachable et où les taches sont si évidentes ne convient pas du tout à la manipulation de betteraves, carottes, curcuma, paprika, poivron rouge, épinards, jus de raisin, framboises, chou rouge et autres aliments colorés...

Revenons aux coins-repas. La Presse de samedi dernier présentait des plans pour modifier une cuisine dans la rubrique où un architecte propose des plans à des gens qui ont un projet de rénovation en tête. Voici le plan actuel de la cuisine à gauche et les trois suggestions de l’architecte à droite.

La qualité d’image est pourrie car j’ai récupéré l’image sur l'article dans cyberpresse.ca. Dans le journal en papier, elle était deux fois plus grande et au moins on voyait vraiment les plans. Mais bon, ça vous donne une idée. Dans les quatre plans, j’ai mis le coin-repas en rouge pour faciliter le repérage (l’image d’origine est en noir et blanc).

Dans la version actuelle, il faut contourner un long mur pour passer de la cuisine à la salle à manger et je comprends les occupants d’aimer leur coin-repas, même s’il rend l’accès au garde-manger peu pratique. Dans la première suggestion de l’architecte, la forme inhabituelle de table qu’il faudrait (¾ de cercle) imposerait le sur-mesure de toute façon et justifie un peu l’existence du coin-repas. Mais serait-ce vraiment intéressant de manger face à un mur? Personnellement, si j’habitais là, j’aimerais mieux placer des étagères à conserves maison ou des armoires dans le « racoin » (en bleu dans l’image suivante), ce qui paraîtrait allonger le mur, et une mini-table haute (en rose) le long du mur et du côté des armoires avec un à trois tabourets (en vert). Plutôt un ou deux tabourets, et ils pourraient disparaître sous la table pour qu’on puisse utiliser celle-ci comme comptoir supplémentaire quand plusieurs cuisiniers travaillent ensemble. Ou encore une mini-table à hauteur normale de table, transportable vers d’autres pièces comme je l’expliquerai plus loin (et si la table est extensible, c’est encore mieux!). Mais bon, c’est le cas le moins pire ici. Dans les deux autres plans, je trouve le coin-repas carrément ridicule!

Dans la deuxième suggestion de l’architecte (3e plan de la première image), le coin-repas est aussi loin que la table de salle à manger. On n’a pas à transporter les plats puisqu’on peut les déposer sur le comptoir à partir de la cuisine, mais une fois rendu dans la salle à manger, pourquoi ne pas simplement prendre le plat sur ce comptoir et manger à une vraie table, plutôt qu’à un comptoir où la vue consiste au premier plan à la «contre-marche» vers le comptoir de cuisine, plus haut que le comptoir-lunch? Donc, d’après mon point de vue (et celui des occupants de la maison, selon l’article), ce comptoir-lunch est COMPLÈTEMENT inutile.

Dans la troisième suggestion de l’architecte (4e plan de la première image), c’est à peine mieux. Le comptoir-lunch est bien dans la cuisine, mais pourquoi ne pas laisser cet espace libre et placer une vraie table, qu’on pourrait tirer pour asseoir des gens tout le tour en cas de besoin ou changer de pièce vers la salle à manger ou le salon en cas de grande réception où on ne veut pas faire manger de gens dans la cuisine. En plus, avec un comptoir-lunch comme celui proposé par l’architecte, j’espère que les occupants sont grands pour rejoindre facilement le coin reculé (où j’ai mis du vert) pour le nettoyer. Enfin, comme ce plan ouvre la cuisine vers la salle à manger, la nécessité d’un comptoir-lunch avec de nombreuses places est moindre selon moi. Un plus long comptoir normal avec un espace sans armoire dessous et un tabouret conviendrait lorsqu’une personne collationne seule en surveillant des plats qui mijotent et compenserait pour la perte de comptoirs occasionnée par l’ouverture vers la salle à manger. Il faut dire que je rêve d’une cuisine avec pleeeeeeiiiiin de comptoirs pour travailler et d’armoires de rangement...

Et pourquoi ces comptoirs-lunchs sont-ils toujours ronds?

Bon, est-ce mon plus long billet jusqu’à maintenant dans mon blogue? Probablement. Mais sans être architecte ni designer, en tant que grande amateure de boustifaille qui passe plein de temps dans sa cuisine, ça m’achale quand je vois des gens faire du «beau» design pas pratique pour des rénos coûteuses qu’ils vont devoir endurer pendant de nombreuses années... Je prends donc plein de notes, autant de ce que j’aime que de ce que je n’aime pas, pour le jour (très) lointain où je pourrai concevoir ma cuisine idéale...

Référence: Bonneau, Danielle. "Retrouver une cuisine fonctionnelle" (chronique "un architecte chez vous"), La Presse, samedi 25 février 2006, cahier Mon Toit, p.16.

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