20 mai 2006

Journée à la ferme

J'ai déjà mentionné ici que je suis partenaire d'une ferme d'agriculture soutenue par la communauté (ASC) et que, par ce partenariat, je reçois un panier de légumes biologiques par semaine tout l'été et par deux semaines l'hiver, en échange du paiement à l'avance des légumes (j'assume ainsi en partage avec ma ferme les risques liés au climat et aux insectes) et d'une journée de travail annuelle à la ferme. Je suis allée aujourd'hui remplir cette partie de mon contrat. J'ai cultivé non seulement mes futurs légumes, mais aussi mes connaissances, mes émotions et mon amitié avec tous les gens de la ferme. Un avantage qu'on n'a pas quand on achète au supermarché.

"Ma" ferme, comme j'aime dire (il s'agit bien sûr d'un lien de possession affectif, comme quand on dit "mon ami", et non financier), est la Ferme Cadet-Roussel située à Mont-Saint-Grégoire. En plus de toutes sortes de variétés de légumes et de quelques fruits, on y cultive des céréales et on y élève poules pondeuses, poulets, cochons, vaches et lapins. Le portrait typique de la ferme à Maturin, le genre de ferme de famille qui nous vient en tête quand on pense "ferme". Malheureusement, ce modèle tend à disparaître au profit des grandes monocultures industrielles du genre qui entoure la ferme des Roussel. En effet, la ferme appartient encore à Jean Roussel, qui l'a fondée il y a de nombreuses années, et sa fille Anne y est aussi plongée. Mais ça n'est pas pour longtemps; la ferme devrait bientôt être rachetée par la fiducie foncière Protec-Terre, qui pourra la louer à long terme à des agriculteurs biologiques. Cette façon de faire assure que la ferme gardera le même style (ferme biologique diversifiée et vendant des légumes directement aux consommateurs), plutôt que d'être vendue aux gros maïsiculteurs d'à côté qui n'en feraient qu'une bouchée. Le site et le blogue de la ferme montrent de nombreuses photos.

Aujourd'hui, j'ai installé des fils servant de tuteurs aux plants de tomates et de concombres de la serre. J'ai aussi aidé à la cueillette de laitues qui seront vendues par un magasin d'aliments naturels (la ferme ne fait pas que de l'ASC). Lors de mes visites des années précédentes, que j'ai toujours faites au printemps, j'ai aussi repiqué des pousses de basilic, transplanté des jeunes céleris-raves et semé des choux. Autant de légumes que je retrouve avec plaisir quelques mois plus tard, dans mes paniers. Je profite aussi de chaque visite pour aller "dire bonjour" à toute la ménagerie. Le printemps, à la ferme, c'est le moment de l'arrivée des bébés: il y avait aujourd'hui des chatons, cochonnets, veaux, lapinets et poulets âgés d'à peine quelques semaines et des chiots sont attendus pour bientôt (quelqu'un veut adopter un minou, pitou ou lapidou?). On voit donc la vie à l'oeuvre tant chez les végétaux que chez les animaux.

La pluie incessante de la dernière semaine a beaucoup limité le travail aux champs et les fermiers commencent à s'inquiéter pour certaine légumes déjà semés au champ et probablement noyés maintenant, qu'il faudra resemer; ces légumes arriveront nécessairement plus tard cet été. Ils commencent aussi à avoir hâte de pouvoir transplanter plusieurs espèces à l'extérieur, puisque l'espace se fait rare dans les serres surpeuplées. Mais les champs sont trop boueux en ce moment. Le long de l'autoroute 10, en me rendant ce matin, j'ai remarqué des champs et des fossés carrément inondés. Ce n'est heureusement pas (pas encore dirait une pessimiste) le cas à la ferme Cadet-Roussel, mais les champs ne sont tout de même pas travaillables pour l'instant. Cette température désagréable fait partie des risques que je partage financièrement avec la ferme en payant d'avance mes légumes. En effet, pourquoi est-ce que les agriculteurs, ceux qui produisent tout ce qui va nous nourrir, devraient-ils être les seuls à subir les contrecoups d'une sécheresse, d'une inondation ou d'une infestation?

D'ailleurs, aller travailler à la ferme est le meilleur moyen de se conscientiser face à sa nourriture. De découvrir la beauté d'une jeune pousse et la couleur des fleurs qui précèdent les fruits et fruits considérés comme des légumes (tomates, concombres, courges, poivrons, haricots...) que nous mangerons. Faire attention aux fleurs des plants de tomate en sachant qu'une fleur arrachée signifie une tomate de moins à la fin de l'été. Découvrir les insectes et autres "bibittes", bonnes (coccinelles, araignées) et mauvaises (pucerons, limaces, escargots) pour les récoltes. Observer les nombreuses espèces d'oiseaux sauvages qui font partie de l'écosystème de la ferme, entre autre par leur rôle de prédateurs d'insectes. Découvrir la forme des cornes des vaches qui, contrairement à celles des fermes "conventionnelles", n'ont pas subi leur amputation. Toucher et sentir la terre. Sentir les plantes et aussi le fumier des animaux, cet engrais si riche. Plus tard dans l'été, chaque légume me rappellera ma visite à la ferme. Il y a un peu de cette ferme dans chaque billet que j'écris ici, ou presque. C'est pour ça que c'est "ma" ferme et que je vous en parle ici. Je ne compte pas me lancer dans le jardinage ni écrire un blogue horticole, mais je voulais partager avec vous ma conscience de la provenance de ma nourriture et le plaisir que je trouve à travailler une journée à la ferme.

Beaucoup de fermes, dont Cadet-Roussel, affichent déjà complet pour l'été 2006, mais pour connaître celles qui prennent encore des partenaires dans chaque région du Québec, consultez la liste des fermes sur le site web d'Équiterre.

4 commentaires:

Anonyme a dit...

Moi aussi, je suis membre d'une ferme et c'est vraiment agréable.

On dit çà, qu'on ne jardinera pas et qu'on neparlera pas horticulture. Attends un peu!

Tarzile

AnneHD a dit...

Merci pour cette description d'une journée à la ferme! Ça fait quelques années que je songe à m'inscrire à un tel programme et je me suis toujours demandée quelle forme prenait cette fameuse journée de contribution au travail agricole... Contente de voir que c'est plus que du tourisme - ce qui serait déjà bien, toutefois, on est tellement déconnectés de l'agriculture, de nos jours! Cette année, j'ai bien failli m'inscrire, mais je me suis dit qu'avec le potager au jardin communautaire, ce serait peut-être trop (je suis plutôt optimiste quant à mes capacités de jardinière, comme tu vois). Je comprends encore mieux le souhait météorologique que tu as laissé sur mes Chroniques, maintenant...

Lucie a dit...

Tarzile: ouais, je me disais aussi que c'était un piège d'écrire ça. Je me disais aussi que vu que je n'ai pas de cour, donc pas de terrain pour jardiner, il n'y aurait pas de danger. Et là Anne-Hélène me rappelle qu'il existe des jardins communautaires pour les gens comme moi... ;-)

Anne-Hélène: ils sont complets cette année, mais Cadet-Roussel a un point de chute dans Villeray, coin de Gaspé et de Castelnau (c'est mon point de chute), si jamais tu veux t'inscrire l'an prochain. Néanmoins, je te souhaite toujours un jardin productif! Je vais penser à toi quand je passe à côté (d'après la photo sur ton blogue, ce sont ceux sur Ch-Colomb non? tout près de chez moi...)

Anonyme a dit...

Peut-tu en dire plus sur le plaisir que tu as de participer à la mise en culture des plantes? Ne trouve tu pas les légumes de la ferme cadet roussel meilleurs des autres du fait d'y participer?